"On ne voit que avec le coeur, l'essentiel est invisible pour les yeux"

Les protagonistes et leurs caractères

Si on jette un coup d’œil sur les protagonistes dans «Le Petit Prince» on peut trouver un nombre de caractères différents. Pour être capable de comprendre la vision de ce conte il est essentiel de faire connaissance des personnages qui figurent dans cette histoire.

Pour commencer il faut noter que le petit prince représente le personnage principal bien qu’il apparaisse pour la première fois dans le deuxième chapitre. Comme enfant réel et irréel à la fois, il a les traits nécessaires pour que son existence réelle ne fasse pas de doute (visage humain, vêtements, langage) mais il possède en même temps les attributs d’un personnage de conte (âge et sexe indéfinis, costume de prince, cheveux d’ange, bottes de voyageur).

La façon dont il apparaît est aussi magique: il est là, comme s’il était surgi d’un coup de baguette de fée. «S’il vous plaît…dessine-moi un mouton!» (page 13). La phrase qu’il prononce a deux registres, le vouvoiement et le tutoiement, ce qui n’est pas rare chez un enfant et exprime ses difficultés avec la grammaire. Le petit prince s’adresse au narrateur comme s’il s’adressait à un adulte ou à un inconnu, puis il continue la phrase comme s’il parlait à un autre enfant ou à quelqu’un de familier. Il ne sait que penser de cet homme: est-il un étranger, c’est-à-dire éloigné de lui par son âge, ou lui est-il proche? Dans ces circonstances, la demande du petit prince ne peut que paraître absurde au narrateur.

Le petit prince qui n’est ni un explorateur, ni un savant, ni un aventurier –mais seulement un enfant- quitte son astéroïde parce qu’il a des difficultés avec une fleur et part pour la découverte du monde. Un enfant singulièrement doué d’ailleurs, intuitif et sensible, qui est capable de percer les choses de son regard, d’en découvrir le fond. Il voit l’éléphant dans le serpent boa et le mouton dans la caisse que lui dessine l’aviateur.

Vient s’y ajouter que le narrateur entre personnellement en scène, choisissant de s’exprimer à la première personne: il est donc non seulement narrateur mais aussi un personnage central du livre. Il montre deux visages celle de l’enfant et celle de l’adulte. On peut lire dans le premier chapitre que le narrateur-enfant a vu dans un livre un dessin qui l’a impressionné. Après réflexion, il a essayé, lui aussi, de dessiner, mais il s’est heurté à l’incompréhension des grandes personnes qui l’ont découragé et orienté ainsi vers une nouvelle carrière, celle de pilote. Le narrateur-adulte a cependant continué à juger les grandes personnes d’après leur réaction à son dessin et sa déception n’a fait que s’accroître. On peut constater un certain dualisme de l’âme du narrateur-adulte, encore déchirée entre ces deux visions du monde et une ressemblance existant entre le petit prince et le narrateur-enfant, en ce qui concerne leur vision des choses.
Avant l’apparition du prince, l’auteur était «seul, sans personne avec qui parler véritablement» (page 13), perdu dans le silence, la solitude, au seuil de la mort. Après l’apparition du petit prince, il sait reconnaître la beauté du désert, ressentir une émotion altruiste, percevoir l’importance de l’invisible. Après le départ du bonhomme, il est capable d’être heureux, de se souvenir d’un instant de bonheur, de dépasser la notion de mort attristante; il a connu et connaît l’amitié véritable. Le Petit Prince est donc la petite étincelle d’énergie vitale, cet «espoir» qui fait vivre.

Pendant son voyage dans l’univers, le petit prince fait connaissance avec plusieurs caractères. Au début de son déplacement le prince rencontre un roi habillé d’un manteau de pourpre et d’hermine assis sur un trône très simple mais majestueux. Ses fonctions sont celles d’un monarque absolu, il règne, donne des ordres, nomme des ministres, des ambassadeurs, il juge et gracie. «Il faut exiger de chacun ce que chacun peut donner» (page 36). Ses principes sont d’exiger l’obéissance, et de ne pas tolérer l’indiscipline. «J’ai le droit d’exiger l’obéissance parce que mes ordres sont raisonnables» (page 36). Le langage –verbes à l’impératif et futur impératif- utilisé par le roi par exemple «je t’ordonne» (page 34), «je t’interdis» (page 34), reflet sa fonction de majesté. Il exige l'obéissance et le respect du petit prince et lui raconte qu’il règne sur tous les autres planètes et toutes les étoiles. Son existence est vieille comme l’idée politique qu’il incarne. Antoine de Saint-Exupéry a pour but de rendre absurde l’autorité vide de sens du roi sur cette planète et veut se moquer de la soif du pouvoir et du despotisme sur les autres.
La seconde planète est habitée par un vaniteux qui répute son visiteur pour un admirateur. Il n’entend que des louanges et on peut caractériser sa langue avec beaucoup de superlatifs, comme on peut voir dans la phrase «Admirer signifie reconnaître que je suis l’homme le plus beau, le mieux habillé, le plus riche et les plus intelligent de la planète.» (page 39). Avec ce personnage, l’auteur veut viser à la vanité et l’orgueil qu’on peut trouver dans le monde entier.
Sur la planète prochaine le petit garçon rencontre un buveur installé en silence devant une collection de bouteilles vides et une collection de bouteilles pleines. On peut lire dans le texte qu’il boit pour oublier qu’il boit. Contrairement au Roi qui faisait du monde sa propriété, et le Vaniteux qui circonscrivait son univers à sa propre personne extérieure, le Buveur, lui n’est plus en contact qu’avec ses bouteilles. Il représente avec son existence un comportement obsessif au lieu de plaisir.

Par ailleurs il ne faut pas oublier le Businessman, dont le mot «businessman» vient de l’anglais et signifie «l’homme des affaires». Des phrases clés qu’on peut trouver dans le livre pour définir le businessman sont «pas le temps» (page 41), «j’ai tellement de travail» (page 41), «je suis sérieux, moi» (4 fois) (page 41), «je les possède» (page 42), «ca me sert à acheter d’autres étoiles» (page 42), «je gère, je compte, je recompte» (page 42). Sa conception de vie consiste seulement en travail ininterrompu, il ne participe plus au monde vivant et est complètement obsédé par les chiffres, tellement qu’il ressemble à une calculatrice. L’activité de cet homme est absurde et la routine le rend stupide, tellement qu’elle lui fait même oublier le but de son travail. Dans ce passage Antoine critique clairement le matérialisme insatiable, il se moque définitivement du contraste entre le sérieux du businessman et l’absurdité de sa vie et sa possessivité.

Sur une planète «majestueuse» (page 47), un «vieux Monsieur» (page 47) écrit «d’énormes livres» (page 47) derrière une table et un registre. On peut définir sa fonction par la phrase «un savant qui connaît où se trouvent les mers, les fleuves, les villes…» (page 47) il s’agit d’un géographe, un homme de science. Le Géographe distingue précisément la différence entre un géographe –un homme de la théorie- et un explorateur –un homme de la pratique-. Les conceptions de la science sont des livres de vérités éternelles «Que les volcans soient éteints ou soient éveillés, ca revient au même…-ce qui compte pour nous, c’est la montagne. Elle ne change pas.» (page 50).
Ce chapitre dans lequel le géographe apparaît, fait allusion à la prétendue importance et supériorité du géographe opposées à la modestie du petit prince. Il possède une certaine arrogance du théoricien et montre la négligence de toutes choses créatives en faveur des faits. Saint-Exupéry montre un critère absurde «les géographies ne se démodent jamais» (page 50) et fait une allusion critique à la croyance de chaque savant en la supériorité de sa propre discipline.

Pour conclure, le personnage nommé l’allumeur de réverbères est contrairement au roi, au businessman, au vaniteux et au géographe, le seul qui ne pense pas seulement à soi-même. Il est par routine, fidèle à son travail : «C’était raisonnable autrefois d’éteindre le matin et d’allumer le soir, mais la planète a tourné de plus en plus vite, et la consigne n’a pas changé». (page 44). L’allumeur de réverbères n’a pas loisir à son métier «un métier terrible» (page 44), «je n’ai plus une seconde de repos» (page 46) et est complètement insatisfait «ce n’est pas drôle du tout» (page 46).

Même si ce protagoniste montre une dépendance dans la pensée et un manque de liberté mentale, le petit prince développe une certaine sympathie envers l’allumeur.


Après le seizième chapitre on peut décrire les habitants de
notre planète la terre par cette pyramide sociale:*


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* Le Petit Prince, Analyse Modèle: page 32